Chapitre 4 – Partie 3 : Le Fond Du Gouffre.
Berlin, Le 14 Octobre 2006 – 09H30
<<Tim, Tim !>> me vocifère Olivier que j’entends au loin depuis l’autre bout de la gare centrale de Berlin.
C’est un sacré comité d’accueil que j’ai ce matin. En passant outre l’envie de mon comparse de beuverie de s’illustrer au milieu d’une foule plutôt dense en cette journée de forte affluence, je constate que mon cher colocataire n’est pas venu seul. Annika est aussi de la partie, talonnée par Haruka (que je connais à peine). Et pour les succéder, on a une Kayla protectrice qui ferme la marche. Comme une mère avec ses petits, elle les entoure de son halo protecteur. Même en civil, elle ne peut pas s’empêcher de se sentir investie d’une mission, me dis-je pour moi même. Au moins, elle a le mérite de me laisser esquisser un léger sourire désabusé. Ma marque de fabrique! Une heure plus tôt, j’ai appris que mon train vers Rostock avait été annulé à cause d’un dysfonctionnement technique. A croire que les soucis ferroviaires s’intensifient depuis le récent incident dont j’ai été témoin l’autre soir.
<<こんにちはティモさん、あなたは今朝疲れ果てているように見えます>> me dit Haruka avec toute la compassion qu’on lui connait.
(Non, tu crois? me dis-je pour moi même). Ayant dormi à peine deux heures avant de plier bagage, j’avoue que notre chère petite nipponne n’a pas eu besoin de faire un long diagnostic de mon état de santé matinal.
-Pourquoi êtes vous tous là? Vous n’avez pas d’impératifs ce matin? leur dis-je l’air surpris.
-Olivier est en recherche d’emploi depuis son arrivée en Europe. Annika ne travaille jamais le matin. tu devrais connaitre l’emploi du temps de tes colocs, me rétorque Kayla qui aime décidément m’infliger ses piqûres de rappel lancinantes.
はるか さん わ? dis-je à Haruka l’air intrigué. Que fait-elle ici?
J’ai appris récemment par Annika qu’Haruka travaillait avec Kayla sur un projet assez louche. C’est vrai que chaque fois que j’ai demandé à miss « violet » ce qu’elle faisait professionnellement par le passé, elle bottait en touche ou se cachait derrière un écran de fumée. Ne voulant pas insister, j’ai préféré occulter ce détail. Cependant, mon esprit encore submergé par les pensées constantes commence à faire le rapprochement. Est-ce que ces deux là ne seraient pas de mèche?
-Timo, on s’inquiète pour toi! me dit Olivier qui me rejoint sur le banc ou je me suis assis, désabusé par une énième punition que me fait subir mon propre Karma.
Nous voilà tous les cinq en direction du café le plus proche pour « tuer le temps » avant l’heure du déjeuner. Je ne le savais pas encore, mais ces quatre personnes allaient devenir un cercle prépondérant dans mon existence. Chacun à notre manière, nous allions nous apporter un soutien indéfectible, contre vents et marées.
Malgré mon côté parfois antipathique, je suis touché par leurs attentions respectives et les remercie pour leur présence. Cet élan de reconnaissance surprend même Kayla qui voit en moi un aspect de ma personnalité insoupçonné jusqu’à présent.
Alors que la première « triplette » composée d’Olivier, Annika et Haruka pénètre dans l’antre de ce petit café assez anonyme perdu dans le dédale de ces rues berlinoises, je décide de prendre Kayla à part.
<< Kayla, je ne sais pas si c’est la providence, le Karma ou tout ce que tu veux… Mais l’annulation de mon train de ce matin me pousse à reconsidérer ta proposition d’hier, lui dis-je l’air résigné.
-Sache que je ne peux pas aller à contre courant de tes volontés personnelles me dit-elle. J’ai fait une erreur en t’intégrant dans un processus qui a l’air de te faire perdre pied. Mais le temps jouant contre nous, et le fait que ton potentiel commence tout juste à se révéler, je me suis senti comme submergé moi aussi par les conséquences d’une temporisation trop excessive face à des choses qui nous dépassent. Toi et moi sommes les clés d’évènements qui pourraient changer la face du monde, en positif comme en négatif. Partant de ce constat, je suis dans la même galère que toi. J’ai eu du mal à le digérer moi aussi. Et la stratégie que j’ai adopté pour t’intégrer là dedans a peut-être été hasardeuse. Tu aimerais plus de réponses, plus de concret. Sache que moi-même je cherche encore un sens à tout ça, me dit-elle en se livrant comme jamais elle ne l’a fait auparavant.
J’arrive à ressentir pour la première fois une forme d’insécurité qui se dégage dans ses mots et sa gestuelle corporelle. A croire que derrière Kayla l’incisive et la provocatrice se cache une personne à taille « humaine » (en contradiction totale avec l’aura violette qui sort de son corps quand elle fait ses cabrioles).Instantanément, je suis pris de compassion envers sa personne.
-Montre-moi! Je me sens prêt! lui dis-je sans prononcer un mot de plus.
Le futur me montrera que ce jour du 14 Octobre 2006 sera pour toujours marqué d’une pierre blanche comme le jour ou j’ai décidé de passer à l’action. Le jour ou j’ai pris mon destin en main. A partir de ce moment, ma vie ne serait désormais plus jamais la même. Elle comme moi savions sans même nous en dire plus que nous allions sauter à pied joints dans l’inconnu. Mais il était important au préalable de pouvoir avancer de manière conjointe, histoire de se prémunir au maximum des conséquences dramatiques d’un manque de préparation.
-Haruka-san 今夜は何をする予定ですか? demande Kayla a sa meilleure amie en lui souriant l’air satisfaite.
Le pouce levé en l’air de notre Japonaise d’adoption est sans équivoque.
1 Commentaire
C’est indéniable ! Toujours beaucoup de talent, de dextérité et aisance dans l’écriture.
Impatiente de découvrir la suite…